28 octobre 2025

F. Bentalaa : « La formation étant inexistante, notre football a reculé »

Ancien gardien de but reconverti en entraîneur et consultant TV, Fayçal Bentalaa est une voix respectée du football algérien. Avec une carrière riche en expériences, comme entraîneur des gardiens et manager, il analyse aujourd’hui l’actualité sportive avec franchise, défendant un football structuré et respectueux. Pour lui, il n’y a jamais eu de projet sportif en Algérie.

Entretien réalisé par Nasser Souidi

En tant que consultant, quels sont les sujets traités en cette période estivale ?

On parle beaucoup plus du mercato, du transfert des joueurs locaux, notamment à l’étranger. Comme le Mouloudia qui a ramené un entraîneur d’Afrique du Sud. L’USMA et le CSC ont aussi ramené un nouvel entraîneur.

Franchement, le MCA n’a pas trouvé en Algérie un coach capable de gagner le titre ou d’aller loin en coupe d’Afrique ?

Les clubs sont libres de leurs choix, mais le problème qui se pose, c’est qu’après trois ou quatre journées, on libère les entraîneurs. Ils prennent leur argent et au revoir. Quand tu ramènes un entraîneur, il faut bien étudier son CV. Quelqu’un qui a réussi. Mais toi aussi tu dois lui ramener de bons joueurs, pour faire une bonne saison. Voilà.

Limiter le nombre de licences, aussi…

Écoutez, il n’y a jamais eu de projet sportif en Algérie, tout simplement. C’est toujours la rue qui commande. Trois, quatre matchs, mauvais résultats, et l’entraîneur saute. Pour calmer le jeu, c’est tout. Avant, l’entraîneur restait toute l’année. Le football, c’est comme ça, mais ces dernières années, le football a changé. Trois, quatre entraîneurs par an, ce n’est pas normal. Et pourtant, on est un pays de football, donc, c’est illogique.

Quel est votre bilan de la saison 2024/2025 ?

On a retenu que le Mouloudia a été performant durant toute l’année. C’est vrai qu’il y a eu un passage à vide, mais ils ont continué à frapper fort, et ont ramené de bons résultats de l’extérieur. Par contre, l’USMA a fait une saison catastrophique, quoi qu’elle ait fini en beauté en gagnant la coupe. Le CRB a raté sa saison, il a tout perdu. Il a fait un mauvais démarrage, surtout en fin de saison où ils a fait match nul contre Akbou. Ils ont loupé la Champions League et ont été très médiocres face à l’USMA en finale. Une finale, ça ne se joue pas comme ça, l’USMA a écrasé le CRB. Ils ont bien joué, donc toutes mes félicitations. Le CRB a fait de bons résultats dans la deuxième moitié de saison, mais c’est ça le football. Il y a toujours un vainqueur et un vaincu, il faut accepter les choses telles qu’elles sont.

Il y a aussi la JSK qui revient…

Absolument. La JSK qui a repris et qui a bien géré sa saison. Ils ont bien démarré, ils ont été champions d’automne, ils se sont classés 2e, c’est bien pour le public de la JSK et c’est tant mieux pour eux. Ils ont bien terminé la saison. Un très beau stade, un public en or qui est revenu en puissance. Je pense que la JSK mérite largement cette deuxième place.

Peut-on dire que Zinnbauer a fait du bon travail ?

Moi je dirais que c’est la JSK qui a fait du bon travail. Quand il est venu, la JSK était premier. Il faut souligner que la direction a mis beaucoup de moyens, la preuve, le stade était toujours plein à craquer. Il ne faut pas oublier qu’ils ont raté beaucoup de matchs à domicile. Normalement, la JSK est champion. Les joueurs ont été sereins, et ont ramené beaucoup de matchs de l’extérieur. L’entraîneur a fait du bon boulot, mais le mérite revient aux joueurs.

On peut dire que la saison prochaine, c’est celle de la JSK ?

Oui, bien sûr. Mais on verra la saison prochaine ce qui va se passer. Il y a beaucoup d’équipes qui vont jouer le titre, comme le Mouloudia, le CRB, l’USMA, la JSK, le CSC, l’Entente, le MCO. On verra une belle prochaine saison. Mais toujours dans le respect, comme je disais, il y aura un vainqueur et un vaincu. En tous les cas, il n’y aura qu’un champion.

Justement, nous voulons parler de fair-play et de cette violence qui persiste dans nos stades…

Le football est synonyme de fraternité, pas de guerre. Acceptons le résultat, sans chauvinisme. Que le meilleur gagne, c’est juste un jeu. Quant à la finale, elle était magnifique ! Le CRB, fair-play, a salué l’USMA malgré sa défaite. Même le président, ému, a vu l’union des supporters chantant « Viva l’Algérie ».

Comment jugez-vous l’arbitrage de la saison passée ?

C’était mitigé, avec des hauts et des bas. Si tu gagnes, l’arbitre est ton meilleur ami, mais si tu perds, il devient ton pire ennemi. Ils font des erreurs, c’est humain, mais respectons-les, tout en demandant des progrès. Des réunions entre arbitres et entraîneurs pourraient aider, dans le respect. Je dirais donc stop aux insultes et avançons ensemble. 

Et la programmation, qu’avez-vous à dire là-dessus ?

Le calendrier était acceptable, mais la programmation doit être respectée. Chez nous, trop de reports durant les compétitions africaines, car on fait dans le social, ce qui étire la saison jusqu’en juin. Résultat ? Une inconstance qui nous coûte cher en Afrique, car aucune coupe gagnée depuis 2014. Soyons fermes avec des dates fixes. Pas de reports et optimisons les effectifs. 

C’est vrai que le club algérien a reculé au niveau continental…

En tant qu’entraîneur, je pense qu’on doit se dire la vérité en face. C’est une question de niveau. Avant, on avait de bons joueurs et de bons formateurs et entraîneurs. Et pourtant, on n’avait pas les mêmes moyens. Il y avait de la qualité et de bons entraîneurs au niveau des jeunes. Aujourd’hui, quand ils arrivent en senior, ils ne savent même pas courir. On n’a pas de formation, elle est au niveau zéro. On n’a pas le niveau, on est très loin. On a la pâte, mais pas l’entraîneur qu’il faut. À part un peu le Mouloudia, le CRB, l’USMA et la JSK, l’encadrement, il est nul. On n’a pas une bonne relève, il faut dire ce qui en est.

Vous trouvez d’ailleurs normal qu’on ramène des joueurs de l’étranger, pour nos jeunes sélections ?

C’est grave. Pourquoi on joue alors le championnat ? Dans ce cas-là, on n’a qu’à arrêter le football chez nous.

Dans quelques mois c’est la CAN. Vous pensez que l’Algérie sera au rendez-vous ?

Ça sera une CAN difficile. N’oublie pas que tu vas la jouer au Maroc. Le Maroc a une bonne équipe ! En tous les cas, ça sera difficile pour tout le monde, sans exception. Une défaite peut tout changer. C’est une coupe d’Afrique, il faudra bien la préparer, pour être présent le jour J. De bons entraînements, une bonne pédagogie, un bon coaching. Mais je pense que l’équipe nationale est sur la bonne voie. Inch’Allah on fera quelque chose de bien.

Quelles sont, selon vous, les équipes favorites ?

Le pays organisateur, c’est normal. Il y a aussi le Mali, le Burkina Faso, le Cameroun, le Nigeria, l’Algérie. Mais l’essentiel, ce ne sera pas les quarts de finale, ce sera de la remporter. Depuis 2019, et avant 2019, à chaque fois on ne dépassait pas le premier tour. Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Ce ne sera pas évident. Ce n’est pas facile, mais bon. 

Il y aura aussi des équipes surprises, comme le Cap Vert, la Zambie…

L’avantage qu’ils ont, ils font de la formation. Comme le Nigeria, le Ghana, ils travaillent au niveau des jeunes. Il y a l’Afrique du Sud, aussi. Si tu veux construire une équipe, il faut la bâtir d’en bas. L’Algérie, normalement, c’est minimum demi-finale. Sinon, ce n’est pas la peine, ce n’est pas intéressant.

Et dans les divisions inférieures, des équipes ont attiré votre attention ?

Il y a Rouissat, ça fait longtemps qu’on n’a pas vu une équipe du Sud dominer la Nationale 2. Ils ont mis la pression sur El Harrach, ils ont joué, ils ont gagné. L’USMH a fait une bonne saison. Il y a aussi Annaba qui mérite de jouer parmi l’élite, ils ont un beau stade, un bon public, c’est une ville de footballeurs. J’aurais aussi aimé voir le MO Constantine, des villes phares. La JSM Skikda aussi.

Dites-nous quelles sont les leçons à retenir avant la reprise ?

Le fair-play, donner plus de considération aux jeunes, avoir de bons entraîneurs pour améliorer la performance des joueurs, parce que le niveau n’est pas bon au niveau des jeunes.

Un dernier mot sur les anciens joueurs qui sont marginalisés et ignorés par les instances sportives ?

Écoutez, il y a de bons entraîneurs qui sont à l’arrêt. Pourquoi ? Parce qu’ils n’acceptent pas certaines choses. Il y a des gens qui n’ont rien à voir avec le football, mais qui sont dans le football. Et des gens compétents. Quand quelqu’un comme Bouarrata ne travaille pas, excusez-moi, mais c’est très grave. Un Ouardi aussi, il y en a beaucoup. Iaïche aussi, c’est dommage, quand tu vois ça. Ça te donne envie de pleurer. Il y a un réseau, mais nous, on n’est pas de ce réseau.

N. S.

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