28 octobre 2025

Farid Zemiti : « Une riche expérience avec Benchikha en Égypte, pleine d’enseignements »

Après la JSK, Farid Zemiti embarque pour l’Égypte, toujours aux côtés de Abdelhak Benchikha, dans un nouveau périple pour entraîner Modern Sport, un club de 1re division. Mission accomplie, le club est sauvé de la relégation…

Entretien réalisé par Nasser Souidi

Après vos deux derniers matchs à la JSK, aux côtés de Mohamed Lacete, vous avez rejoint l’Égypte avec Abdelhak Benchikha, pour prendre en charge Modern Sport. Pouvez-vous nous raconter les circonstances de ce départ ?

Ils ont contacté Abdelhak en étant relégables. Et Benchikha a accepté, malgré que c’est un entraîneur qui joue les premiers rôles. Mais il s’est dit que c’est un bon challenge. En Égypte, on a trouvé une équipe très touchée mentalement, il fallait donc entamer un travail de fond très minutieux. On n’avait pas le temps et il fallait faire vite, parce qu’il y avait des matchs à répétition, et il fallait faire des résultats. Mais Hamdoulillah ! On a eu beaucoup de difficultés au départ, on n’avait pas vraiment un effectif riche. On a commencé la phase retour en étant dernier, avec 7 points.

Cette mission a dû être particulièrement éprouvante ?

On a beaucoup travaillé, il fallait connaître les joueurs, individuellement et collectivement. Mais Hamdoulillah, on a gagné les matchs les plus importants, surtout le match décisif contre Ismaily. Ismaily en Égypte, c’est un club mythique qui a une histoire. On a soufflé et on s’est replacés. Il nous restait deux matchs, on a fait un nul et une victoire. On a donc sauvé le club, Hamdoulillah. Sincèrement, Abdelhak et son staff ont été pour beaucoup dans le sauvetage de l’équipe.

On s’imagine que Abdelhak Benchikha jouit d’une solide réputation en Afrique…

Oui, bien sûr. En plus, il n’acceptera jamais un club de D2. C’est un entraîneur qui a bossé un peu partout, il a un nom !

Une immense fierté pour le football algérien, n’est-ce pas ?

Oui, oui. Et puis en Égypte, Abdelhak a été sollicité par d’autres clubs. Mais comme on était en plein dedans, il ne pouvait pas négocier quoi que ce soit. Après, il a décidé de rentrer. On avait accompli notre mission !

Comment comparez-vous le niveau du football égyptien à celui de l’Algérie ?

Le football égyptien, c’est comme un peu partout dans le monde. Il y a trois ou quatre équipes qui sont connues, comme le Zamalek, le Ahly et Pyramids. Ce sont ces équipes qui tirent le train vers l’avant. La preuve, le Ahly a joué la Coupe du monde des clubs, Pyramids a gagné la Champions League et le Zamalek a fini 3e en championnat.

Cette domination est-elle due à des moyens financiers supérieurs, comme en Algérie ?

Non, c’est un tout. Quand tu parles du Ahly, à chaque match, ils ont jusqu’à 120 000 supporters. Ils ont combien de Coupes d’Afrique, combien de championnats… Le Ahly n’est plus à présenter, chaque saison ils sont présents. Et puis en Égypte, ils n’ont pas de stades en tartan.

Justement, comment sont leurs infrastructures ?

Un club comme Modern Sport, qui est un nouveau club, a deux stades d’entraînement en gazon naturel, une salle, un vrai club professionnel, sur le plan structurel.

Qu’en est-il de la passion des supporters égyptiens ?

Les Égyptiens sont des mordus de football. Les grands clubs, chaque match, ils font le plein.

Pourquoi les clubs algériens peinent-ils à briller en Afrique, ces dernières années ?

Un club comme le Ahly ne change pas chaque année 10 à 15 joueurs. Leur recrutement, il est ciblé. Quand tu ramènes plusieurs joueurs, tout est à refaire. Tu vas donc perdre beaucoup de temps. Et puis sur le plan financier, c’est un club qui est à l’aise. Il faut voir ses installations !

Devrions-nous nous inspirer du modèle égyptien ?

Chaque année, ils ont une ou deux équipes qui sont présentes. Cela veut dire qu’ils travaillent bien. Ils ont tout ce qu’il faut pour y arriver, voilà.

Comment les Égyptiens perçoivent le football algérien ?

Ils ont une bonne impression sur le football algérien. Ils parlent beaucoup des individualités, ils savent que l’Algérie c’est un pays de football. Ils l’ont vu quand on les a affrontés au Soudan. Ils ont une idée bien précise sur l’Algérie. Ils reconnaissent que nous avons des joueurs techniques de valeur. Mais bon, on a tout ça, mais on n’a pas l’essentiel !

Leur gestion administrative est-elle plus rigoureuse que la nôtre ?

En effet, la gestion chez eux est stricte. La preuve, on n’a jamais entendu un scandale chez eux. Des équipes qui marchent bien, qui sont sérieuses. Franchement, le football en Égypte est en pleine progression.

Les entraîneurs algériens sont-ils compétitifs à l’international ?

Si on les met dans de bonnes conditions. On a beaucoup d’entraîneurs qui ont un vécu. Ils sont sollicités à l’étranger, mais actuellement, on a beaucoup décroché. On voit que par exemple dans les pays du Golfe, l’Égypte ou la Tunisie, c’est plutôt des clubs de D2, mais ils sont quand même présents. Comme les Benchikha, Amrouche, et Zekri en Arabie Saoudite, qui font du bon boulot.

Pourquoi des techniciens expérimentés comme Bouarrata ou Iaïche, et la liste est longue, peinent-ils à trouver des postes ?

Quelqu’un comme Rachid Bouarrata, que je salue au passage, des fois il travaille, des fois non. Mais vous me direz, c’est une personne à principes. Comme Abdelkader Iaïche aussi, c’est un bon coach. La vérité, ils ne sont pas aidés. En Algérie, tu perds un ou deux matchs, tu es lâché par tout le monde. C’est ça le problème du football algérien. L’entraîneur n’est pas protégé. Il faut changer la mentalité des supporters et des dirigeants. Quand un président ramène un entraîneur, c’est par conviction, mais quand il perd un ou deux matchs, ce qui peut arriver, il est le premier à le lâcher, au lieu de le protéger. Le seul ami de l’entraîneur, c’est ses résultats.

Quel enseignement tirez-vous de votre expérience égyptienne ?

L’Égypte a des failles, aussi, ce n’est pas parfait. Ils ont eux aussi des arbitres qui font des erreurs, et des dirigeants qui font des erreurs. Le parfait n’existe pas en Afrique, en toute sincérité.

On doit aussi encadrer nos supporters, non ?

Le supporter algérien doit impérativement se dire que dans le football, il y a des victoires, des nuls et des défaites. Le problème du supporter algérien, c’est qu’il n’accepte pas la défaite. Quand ton équipe est dans une mauvaise passe, c’est là que tu dois être derrière elle, mais chez nous c’est le contraire, on est contre l’équipe quand elle perd. En Europe, quand les équipes perdent, tout le monde applaudit. Le football, c’est un état d’esprit. Nous, quand on va au stade, c’est avec de mauvaises idées. Un autre problème, c’est quand il y a un match important, on parle de ce match quinze jours avant. Dans le football, c’est deux à trois jours avant le match que tu peux en parler, sans trop de pression sur les joueurs, qui sont eux aussi des êtres humains.

À ce titre, la presse sportive algérienne manque-t-elle de professionnalisme ?

La pression est importante, mais il ne faut pas dépasser les limites. On voit que certains journalistes marchent pour certains clubs. Mais c’est une question de culture, on doit élever le niveau. Un journaliste doit soigner sa plume, mais aussi son image. Dire n’importe quoi, ça n’amène à rien du tout. On a donné aux gens l’opportunité de critiquer. Sur le plan du jeu, oui, mais pas au-delà.

Le championnat algérien a-t-il progressé cette saison ?

Je n’ai pas vu grand-chose, franchement. Aujourd’hui, nos clubs doivent donner à l’équipe nationale. C’est ça le but. Hamdoulillah, on a des joueurs formés à l’étranger, mais nous, qu’est-ce qu’on a donné ? On doit se poser la question. Pourquoi n’a-t-on pas de joueurs en équipe A ? Pas pour qu’ils jouent remplaçants, mais titulaires. Un titulaire issu du championnat national. Un grand chantier nous attend, franchement. Et puis la fierté d’un club, c’est de donner à l’équipe nationale. À la base, il faut se mettre au travail, pour avoir demain des joueurs d’élite. L’élite, elle se prépare. En Égypte, la plupart des joueurs sont issus du championnat local.

Le NAHD, votre ancien club, a longtemps fourni l’Équipe Nationale. Pourquoi cela s’est-il arrêté ?

Le NAHD a donné huit joueurs à l’équipe nationale. Le NAHD, à l’époque, c’était une grande école, c’était des messieurs. Écoutez, en Algérie, il y a beaucoup de bons joueurs, mais ils sont victimes de leur entourage, de leurs fréquentations. De bons joueurs prometteurs, mais qui s’effacent subitement. Pourquoi ? Le manque de sérieux. Les joueurs formés à l’étranger, ils viennent en sélection déjà formés et prêts, sur le plan mental, tactique, physique. Il ne leur manque que le dispositif et le système de jeu du sélectionneur.

Petkovic est donc chanceux ?

Oui, oui. Et puis, ce que tu sens en Petkovic, c’est l’homme sage, serein. Un gars qui voit bien le jeu, qui fait ses changements au bon moment. C’est ça un entraîneur, quelqu’un qui t’apporte un plus dans les moments difficiles. Mais le problème, c’est que chez nous, on n’avance pas. Il y a des clubs qui travaillent, comme le Paradou, mais il faut vraiment qu’on se penche sur la formation.

N. S.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *