10 octobre 2025

Hakim Zane : « Le déclin de l’USMB ? Le club n’est pas entre de bonnes mains »

Hakim Zane (57 ans) est issu d’une famille de footballeurs. Parmi ses huit (8) frères, deux sont décédés, Allah yarhamhoum, Mustapha et Khaled, tous deux ont joué au football. Il y a aussi Kamel, avec qui il formait un duo d’enfer dans l’axe, et son frère Azzedine. Ces deux-là, il les considère comme ses idoles. Hakim tout comme Kamel d’ailleurs est connu pour sa frappe, lourde, précise et qui fait peur à tous les gardiens de but du pays.

Hakim Zane a grandi sur un terrain de football, il n’a que trois (3) ans quand il frappe pour la première fois dans un ballon. Il fait toutes ses classes à l’USM Blida et intègre l’équipe senior à seulement dix-sept (17) ans. Il y joue de 1985 à 1989. Cependant, une blessure avec la sélection espoir l’éloigne du football, mais en 1990, il se relance à l’USM Harrach, sous la coupe du regretté Abdelkader Bahmane, Allah yarahmou, et de son adjoint Younès Ifticen. Il est classé meilleur joueur lors d’un tournoi maghrébin qui s’est déroulé au stade du 20-Août, c’est là que le public harrachi le découvre. Une aventure qui durera quatre (4) années, durant lesquelles il est prêté au Club Africain de Tunis en 1992, pour huit (8) mois, où il évolue aux côtés de son compatriote Saïd Boutaleb. Il revient en 1994 à Blida, qu’il quitte une seconde fois en 1998. Il joue par la suite à Hadjout, à l’OM Ruisseau, avant de finir sa carrière au MC Bouira, en 2004. Détenteur des diplômes FAF 1 et FAF 2, l’ancien libéro de charme du club phare de la Mitidja, a entraîné à Blida les cadets, les juniors et les U21. Mais après le départ du président Mohamed Zaïm, et l’arrivée de nouvelles « têtes », qui privilégient les entraîneurs « bénévoles », aux vrais, il se retire du club. C’est, en grande partie, le sujet de cet entretien. Que s’est-il vraiment passé dans le club phare de la ville des Roses, ce club mythique, ce club formateur au potentiel énorme, pour qu’il tombe si bas ?

Entretien réalisé par Nasser Souidi

Selon vous, qui est responsable du déclin de l’USM Blida ?

Les premiers responsables de cette situation, ce sont les dirigeants, après viennent les supporters, du moins un certain groupe de supporters, pas tous. Parce qu’à Blida, nous avons la pâte, le talent existe vraiment.

Le club a été mal géré, c’est ça ?

Ces dirigeants n’ont rien à voir avec le football, ils ne sont là que pour l’argent. Surtout durant ces dernières années, avec le soi-disant professionnalisme. Je ne sais pas comment ils ont atterri à l’USMB. Ils ont commencé par enlever les anciens, c’est comme ça qu’ils ont « bouffé » ce club. Aucun industriel ne veut le reprendre, car il est criblé de dettes.

Qu’est-ce qui empêche d’arrêter ce massacre ?

Nous avons tous les moyens. Les stades, nous avons Chréa, la plage à une quarantaine de kilomètres, des joueurs talentueux, les industriels, l’argent. Mais ce qui manque, ce sont des dirigeants dévoués.

Pourquoi ces industriels ne se sont pas engagés pour changer les choses ?

Comme je disais, c’est la situation financière. Il y a autre chose aussi, ils ont vu qu’il y avait une certaine mafia qui perturbe le club et sème la zizanie, et pourrait donc s’en prendre à leur personne. Mais ces pseudo-supporters, ils ne montrent pas leur véritable visage. Ils font ça en douce.

C’est en somme ce qui se passe dans beaucoup de clubs en Algérie, quand le football est géré par la rue…

Si tu as un président qui sait gérer, avec une seule parole, qui est entouré d’une bonne équipe, et avec des vrais supporters, ces « khellatine », comme on dit, on ne les verra plus. L’ancien président, Mohamed Zaïm, avait des qualités et des défauts, mais il savait gérer, je lui tire chapeau. C’est le meilleur ! C’est un bon gestionnaire. Personne ne bougeait devant lui. Ils l’ont insulté, saccagé son hôtel, après, ils lui ont demandé de revenir ! Mais il a refusé. «Faites ce que bon vous semble, le club est à vous», leur a-t-il dit. Un supporter doit connaître ses limites. Il n’a pas le droit d’insulter qui que ce soit. Il est là pour supporter son équipe, durant les quatre-vingt-dix (90) minutes, qu’elle gagne où qu’elle perde. Tu peux te défouler durant le match, mais après, tu n’as pas à te mêler de ce qui ne te regarde pas. Mais quand une direction est forte, ces pseudo-supporters n’ont aucune chance. Il y a des supporters qui se mêlent même de combien gagnent les joueurs, ils se mêlent de l’entraîneur. Alors que ça ne les regarde pas !

Vous voulez dire qu’il y a une certaine complicité des dirigeants ?

De la complicité ou bien de la peur, qui sait ? Le football, ce n’est pas que l’argent. Il faut qu’il y ait une certaine confiance entre les joueurs et leurs dirigeants, entre les dirigeants et les supporters. Le football, ce n’est qu’un jeu, qui est censé apporter du plaisir. Le joueur doit sentir ce plaisir de jouer devant sa famille, ses amis, ses fans, c’est comme ça qu’il peut tout donner sur le terrain. Comme on le faisait nous de notre temps, on jouait pour le maillot. Ce n’était pas une question d’argent.

Justement, dites-nous ce qui a changé par rapport à votre époque ? Qu’est-ce qui a disparu ?

Ce genre de personnes qu’il nous faut dans nos clubs a disparu. Même la qualité des joueurs. A notre époque, les joueurs étaient des professionnels de nature. Les joueurs récupéraient, ne veillaient pas la nuit, et se préparaient pour le match de vendredi. C’était vraiment une autre mentalité. Maintenant, ils sont professionnels uniquement lorsqu’il s’agit de gagner de l’argent et de se remplir les poches. Et pourtant, ils ont un contrat moral qu’ils se doivent de respecter. Mais non.  Et c’est en grande partie à cause de leur entourage. Un joueur doit être irréprochable, pas uniquement sur le terrain, mais aussi en dehors. Il est censé donner l’exemple. Nous avons un exemple concret, c’est Belaïli.

En effet, Belaïli continue de faire parler de lui…

Personne ne lui a montré le droit chemin. Tu es le meilleur joueur en Algérie, alors tu dois donner l’exemple. Il a raté l’occasion de montrer au sélectionneur qu’il avait sa place en équipe nationale, et qu’il la méritait, effectivement. Tu es le plus fort, alors ton comportement doit être irréprochable. Mais comme je disais, je ne lui en veux pas, il est mal entouré. En réalité, il n’y a pas que Belaïli, il y a plusieurs joueurs comme lui dans notre championnat.

Sinon, sentez-vous qu’il y eu une certaine progression et développement dans notre football ?

Il y a certains clubs qui font l’exception, qui ont un réel projet et des objectifs. Mais pour le reste, je pense qu’il leur sera difficile de s’améliorer. À ce rythme, ces clubs vont disparaître. Surtout au niveau des jeunes, aucun travail ne se fait. Ce qui leur importe le plus, c’est l’argent et les résultats. Comment tu peux exiger des résultats des minimes ou des cadets ? Qu’est-ce que tu vas en faire de ces résultats ? Alors que ce qui est important à cet âge, c’est la prospection, c’est comme ça que tu auras une équipe première forte. Nos jeunes, des fois, on dirait qu’ils jouent au rugby !

D’après votre lecture, on comprend par-là que le football, en fait, c’est avant tout un projet…

Eh oui ! Et c’est ça le vrai professionnalisme. On dit toujours que nous n’avons pas de centres de formation. Pourquoi, avant, il y en avait ? Il y a avait l’inter-quartiers, l’inter-CEM, l’interclasses, nous avions des terrains vagues. Mais surtout, les gens étaient sages et prévoyants, ils allaient dans les quartiers pour dénicher les meilleurs.

Sinon, êtes-vous confiant avec Petkovic à la tête de la sélection ?

Je pense qu’on doit le laisser travailler. Avec nos jeunes talents, l’espoir est permis.

Nous arrivons à la fin de cet entretien. Avez-vous un message particulier à transmettre avant de se quitter ?

Je demande aux supporters de Blida de revenir à la raison, à la sagesse. D’éviter tout ce qui pourrait nuire à l’équipe, ils doivent l’aider. Une équipe sans supporters, ce n’est pas une équipe. Si on veut vraiment que l’USMB retrouve sa gloire, on doit l‘aider avec le cœur, pour le meilleur et pour le pire. Nos jeunes manquent d’expérience, ça ne sert à rien de leur mettre la pression. Et pour finir, je remercie toute l’équipe d’Info Sport pour cet entretien très sympathique. Merci beaucoup !

« L’USMB est victime de la mauvaise gestion et du comportement de certains supporters »

« Nous n’avons plus de président comme Mohamed Zaïm. Il savait gérer, un vrai meneur d’hommes »

« Un supporter doit connaître ses limites. Il n’a ni le droit d’insulter qui que ce soit, ni le droit de se mêler de ce qui ne le regarde pas »

« À notre époque, le joueur était professionnel de nature, une mentalité totalement différente »

« Il faut laisser Petkovic travailler. Avec les talents que nous avons, l’espoir est permis »

N. S.

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