10 octobre 2025

On ne rêve pas en grand avec l’argent des autres

Lorsqu’une partie du public, des consultants TV, et même en interne, des directeurs sportifs, réclament au nom de l’ambition africaine, que des entreprises publiques comme Sonatrach, Mobilis, Madar, Serport, cassent leur tirelire pour recruter des joueurs XXL, on touche au cœur d’un raisonnement profondément perverti. 

Comme si le succès sportif devait se construire à perte, hors de toute logique de responsabilité de gestion.

Par Hamel Dahmane 

Je remarque que plus un club dépense, plus il se croit légitime à exiger davantage. 

Et cette spirale inflationniste est légitimée par un chantage émotionnel permanent : 

La représentation nationale, hisser le drapeau national, ramener un titre africain, laver l’affront des saisons passées… 

Mais non, ce n’est pas patriotique de demander à ces entreprises nationales de surpayer des stars, sans jamais remettre en cause le modèle économique qui étouffe notre football. 

Hisser le drapeau ne devrait jamais servir à justifier l’injustifiable.

Le patriotisme bruyant, agité à chaque intersaison comme un drapeau de guerre, est un piège. L’amour du pays ne se mesure ni au montant des transferts, ni à l’ampleur des salaires versés, mais à l’exigence, à la rigueur et à la volonté de bâtir quelque chose de solide, structuré et permanent. 

Ce qui est demandé aujourd’hui à ces entreprises, ce n’est pas de soutenir une logique de développement ou de performance à long terme, mais d’injecter toujours plus d’argent, sans réfléchir au retour sur investissement, ni à la viabilité du modèle.

On ne parle jamais de produire plus, de mieux former, de mieux vendre, de valoriser l’actif sportif ou de créer des revenus durables. On parle uniquement de distribuer davantage. Dans le football algérien, l’argent continue de tomber d’en haut. Jamais à travers un effort de création de valeur. 

L’entreprise publique est vue comme un tiroir-caisse, une caisse noire qui doit servir le club et son public, sans obligation de transparence, ni de gestion responsable. 

C’est une mentalité de rente, pas d’entreprise. Et c’est là que réside la perversion : 

On ne s’interroge jamais sur ce que rapporte un club à la collectivité, mais uniquement sur ce qu’il peut lui coûter. On trouve normal que des clubs historiques, populaires, prestigieux comme le Mouloudia, la JSK, l’USMA, le CRB, le CSC, l’ESS, le MCO, etc. vivent sous perfusion financière constante, sans jamais être évalués sur leur capacité à se structurer, à innover, à générer des ressources propres. 

On veut des dépenses massives, des stars, des entraîneurs XXL… mais sans réfléchir à ce que cela produit vraiment, ni à ce que cela prépare pour demain. 

On confond : Ambition et fuite en avant, budget et projet, dépenses et construction. 

Un autre modèle est pourtant possible. 

Si nos clubs, mais d’abord le politique, sortaient de cette logique rentière, s’ils se prenaient en main, s’ils investissaient dans la formation, dans la structuration, dans le marketing, dans la gouvernance, ils pourraient générer bien plus de richesses qu ’ils n’en consomment aujourd’hui. Mais cela suppose de rompre avec l’idée que l’entreprise publique est là pour tout couvrir, tout financer, sans rien demander. Ce n’est pas au pays de payer, éternellement, pour un football qui refuse de se réformer. Ce n’est pas en invoquant le drapeau qu’on construira une économie sportive saine. Ce n’est pas en réclamant toujours plus d’argent qu’on échappera à l’échec. Ce raisonnement perverti, où l’ambition se confond avec la démesure, doit être combattu à la racine. 

Il ne s’agit plus de rêver en grand avec l’argent des autres, mais de penser en adulte, de construire avec lucidité, et de cesser d’habiller la déraison du costume du patriotisme. Si l’on veut hisser le drapeau, qu’on commence par redresser la colonne vertébrale du football. Assez de gaspillage. Assez de mensonges. Changeons !

Amicalement 

H. D.

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