10 octobre 2025

Yasmine Baazi (volleyeuse centrale – UBA) 

 « Mon objectif ? Gagner des titres avec Ben Aknoun »

Dans cet entretien, nous avons le plaisir de rencontrer Yasmine Baazi, l’une des figures montantes du volley-ball féminin en Algérie. Actuellement joueuse au sein du club United Ben Aknoun, Yasmine revient sur son parcours, ses débuts dans ce sport, ses défis personnels et les enjeux du volley-ball en Algérie. Passionnée et déterminée, elle partage ses réflexions sur l’état actuel du volley-ball en Algérie, les lacunes à combler, mais aussi ses ambitions pour l’avenir. Découvrez son témoignage, riche en expérience et en émotions.

Entretien réalisé par Nasser Souidi

Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans le volleyball ? Comment avez-vous découvert ce sport et ce qui vous a motivée à le pratiquer ?

J’ai commencé le volley à l’âge de neuf, dix ans, à peu près. Il y avait des sélections à l’école, l’équipe de Mouzaïa venait au primaire pour encourager les jeunes filles à faire du sport. Le volley était le seul sport féminin dans la ville de Mouzaïa, à l’époque. J’ai donc commencé les entraînements, et ça m’a plu. 

Quel a été votre parcours avant de rejoindre le club « United Ben Aknoun » ?

J’ai commencé à l’US Mouzaïa, où j’ai fait les petites catégories. Après, en senior, j’ai rejoint l’ASV Blida, vu qu’il n’y avait pas d’équipe senior à Mouzaïa. J’ai donc joué deux saisons avec Blida en première division. Après, j’ai changé, j’ai joué pour Hassi Messaoud. On a commencé la première saison en deuxième division, et c’est là qu’on a réalisé une accession historique. Une équipe féminine du Sud qui joue les premiers rôles en première division ! Après une année en première division, on a fait un très bon parcours, mais malheureusement, c’était l’année du Covid, en 2020. Depuis, le club n’existe plus malheureusement. C’est donc en 2021 que j’ai rejoint United Ben Aknoun, qui évolue en première division.

Comme ça se passe à Ben Aknoun ?

Financièrement parlant, tout va au foot, ce n’est pas du tout équitable. Durant quatre saisons, on n’a reçu aucune subvention de la DJS, je ne sais pas pourquoi. Et pourtant, on est le seul club féminin à Ben Aknoun, et en plus on joue en première division. C’était donc compliqué. Mais cette année, on a un manager qui aide financièrement le club. Et c’est grâce à ça aussi qu’on a pu faire beaucoup de recrutements, dont deux Sénégalaises. Mais c’est aussi qu’on aimerait avoir d’autres sponsors, et de l’aide au niveau de la DJS.

Quels ont été les moments-clés de votre carrière jusqu’à aujourd’hui ? Y a-t-il un match ou une saison en particulier qui vous a marqué ?

Les matchs les plus importants qui m’ont marqué, c’est la première finale en petite catégorie de Mouzaïa, la première fois qu’on participait à une coupe d’Algérie. On a perdu le titre, mais c’était quand même quelque chose. En senior c’était l’accession de Hassi Messaoud, l’année d’après, un match très important contre Bejaïa, qu’on a quand-même gagné 3-2, on était menés par deux à zéro, on a très bien joué. Il y a aussi les sélections en équipe nationale, notamment le championnat d’Afrique au Kenya.

Quelles sont les qualités que vous estimez essentielles pour réussir au plus haut niveau en volley-ball ?

Pour moi, la première qualité, c’est la discipline. C’est ce que nos entraîneurs nous ont toujours enseigné. Le volley, c’est un sport collectif, donc il faut toujours respecter les consignes du coach, de A à Z. Être bien discipliné aux entraînements et bien travailler. Aussi, il faut être déterminé, avoir cette rage de vaincre, d’avancer et réussir. Et bien sûr, la confiance. Tu ne peux pas gagner de matchs si tu n’as pas confiance en toi-même et en ton équipe. Parfois, les joueuses ont peur de jouer contre telle ou telle équipe, parce qu’elles sont fortes, championnes d’Algérie, etc.

Comment évaluez-vous le niveau actuel du volley-ball en Algérie par rapport à d’autres pays africains et mondiaux ?

Je ne vais pas vous mentir, le niveau s’est vraiment dégradé. Avec le nouveau président de la Fédération, j’espère vraiment que les choses vont changer et avancer. Il fût un temps où il n’y avait ni sélection en équipe nationale, ni participation aux championnats arabe, africain et mondial. Je pense que c’était à cette époque-là que le niveau a vraiment baissé. Avant, le niveau était meilleur, l’Algérie se classait deuxième ou troisième, face à la Tunisie et l’Egypte. Même mondialement parlant, on faisait de belles prestations. Si tu ne joues pas contre des équipes étrangères, c’est sûr que tu resteras au même niveau. Il n’y a pas d’aides financières, j’incite d’ailleurs les jeunes à poursuivre leurs études, parce qu’honnêtement, en Algérie, le sport ne va pas te nourrir.

Que pensez-vous de l’organisation et de la gestion du volley-ball en Algérie ? Existe-t-il des initiatives qui vous semblent positives ou des aspects qui nécessiteraient des améliorations ?

Il faut revoir cette gestion, et surtout mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, comme on dit. Recruter des personnes qui aiment déjà le sport, pas ceux qui ne pensent qu’à se remplir les poches, qui ne pensent qu’à faire du business. Des personnes qui aimeraient que les choses évoluent, qui encouragent les équipes, des gens capables.   

Le volley-ball en Algérie est-il suffisamment médiatisé ?

Personne ne pense au volley, il y en a qui, je pense, ne savent même pas que le volley-ball existe ici en Algérie, tellement ce n’est pas du tout médiatisé.

Quel est votre constat sur le manque d’infrastructures sportives en Algérie ?

La mauvaise gestion des ressources, l’absence d’investissements ciblés et aussi, malheureusement, la faible valorisation du sport. En dehors du football, le sport n’est pas perçu comme une priorité nationale, malheureusement. Il manque une réelle stratégie pour la pratique du sport à tous les niveaux. Encourager les jeunes et les personnes en situation de handicap, pas seulement les athlètes professionnels.

Quel est, selon vous, l’état actuel de la formation des jeunes en Algérie ?

Toute cette mauvaise gestion freine forcément le développement. A Mouzaïa, il n’y a avait par le passé qu’une seule équipe féminine, on avait donc des créneaux à la salle omnisports, on s’entraînait toujours. Aujourd’hui, les minimes et cadettes ne s’entraînent que deux fois par semaine, mardi et vendredi. Tu ne peux pas évoluer et progresser. C’est un grand problème. Depuis qu’on a commencé la formation, c’est de mal en pis. Si ce n’était pas l’amour et la passion pour ce sport… ça ne donne pas envie de continuer.

Pensez-vous que la formation des entraîneurs et des arbitres soit à la hauteur des besoins du volley-ball en Algérie ?

Si les athlètes manquent de compétition et de formations à l’étranger, c’est la même chose pour les entraîneurs. Mon père, Allah Yerahmou, me disait toujours : «Si une équipe gagne, c’est grâce aux athlètes, et si une équipe perd, c’est à cause de l’entraîneur». On est bons, mais pas assez. Pour ce qui est des arbitres, ça va, il y a de bons arbitres, mais il y a aussi des arbitres moins bons. Je n’aime pas parler de ça, mais les matchs les plus importants se jouent parfois à l’avance…  

Malgré tout, pensez-vous que l’Algérie pourrait un jour prétendre à des titres internationaux majeurs en volley-ball ?

Sincèrement, on a tout pour. Malgré le peu de moyens, on a une très bonne formation au niveau du volley. S’il y a une aide de l’extérieur, comme la DJS, et du ministère aussi, l’Etat tout simplement et tous les responsables du volley en Algérie, on pourra faire quelque chose.

Quelles sont vos ambitions à titre personnel dans les prochaines années ?

Pour le moment, mon objectif c’est de gagner un titre avec Ben Aknoun. Inch’Allah on pourra gagner quelque chose cette année. En coupe d’Algérie, on ne sait pas encore contre qui on va jouer. Voilà, on vise la coupe et le championnat. Mais avant ça, on doit remporter les play-offs, ensuite le dernier carré, ce qui va nous permettre aussi de pouvoir jouer le championnat d’Afrique des clubs, et le championnat arabe des clubs. C’est ce que je vise, c’est ce que mon club vise.  

N. S.

« Financièrement parlant, tout va au foot, ce n’est pas du tout équitable. »

« Durant quatre saisons, on n’a reçu aucune subvention de la DJS, mais cette année, on a un manager qui aide financièrement le club. Et c’est grâce à ça qu’on a pu recruter. »

« J’incite les jeunes à poursuivre leurs études, parce qu’honnêtement, en Algérie, le sport ne va pas te nourrir. »

« Il faut revoir cette gestion, et surtout mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. »

« Personne ne pense au volley, il y en a qui, je pense, ne savent même pas que le volley-ball existe ici en Algérie, tellement ce n’est pas du tout médiatisé. »

« En dehors du football, le sport n’est pas perçu comme une priorité nationale. Il manque une réelle stratégie pour la pratique du sport à tous les niveaux. »

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