9 octobre 2025

Yazid Ouahib : «Petkovic a prouvé qu’il était l’homme de la situation»

Dans cet entretien, le journaliste sportif, écrivain et consultant émérite, Yazid Ouahib, revient, sans langue de bois, sur la réussite de Petkovic avec les Verts, les performances prometteuses du MCA et du CSC, ainsi que les enjeux persistants du football national, au niveau local et continental. Yazid Ouahib, l’homme est une référence en matière d’analyses, c’est aussi une voix écoutée. Converser avec lui c’est prendre le temps d’apprendre bien de bonnes choses. 

Bonne lecture ! 

Entretien réalisé par Nasser Souidi

La course au titre est très serrée cette saison. Quel club a, selon vous, les atouts pour l’emporter ? 

Bien sûr, c’est une appréciation personnelle et individuelle, je crois qu’au regard des dernières journées, le champion en titre semble bien parti pour préserver son acquis. Je crois que le Mouloudia sera le prochain champion d’Algérie. Vu ses prestations et celles de ses concurrents pour le podium, je crois que le MCA présente les meilleures assurances pour être de nouveau champion cette année.

Que pensez-vous de la qualité du jeu en Ligue 1 cette saison : progrès ou stagnation ?

C’est les montagnes russes. Des fois, des journées où il y a des équipes qui présentent un beau visage, de la qualité. Là, je tiens à souligner le rendement du CSC ces dernières années. C’est une équipe, pour moi, qui est en constante progression. Elle pratique un football vraiment plaisant, aéré, académique, vivant. J’apprécie beaucoup les prestations du CSC, c’est une équipe joueuse. J’ai bien vu les matchs du CSC, pour moi, c’est une des satisfactions des dernières saisons. Malheureusement, elle n’est pas aussi médiatisée que les autres équipes.

Et pourtant, elle est en train de jouer les matchs avancés de la CAF…

Loin du chauvinisme primaire, tout le monde a le droit de préférer une équipe à une autre, ça ce n’est pas un problème. Mais quand on porte un jugement, il faut qu’il soit le plus juste possible. Je ne détiens pas la vérité, nullement, mais quand je vois le CSC jouer, c’est un plaisir pour moi. Ce qui ne gâche rien, c’est qu’ils ont de jeunes joueurs talentueux qui ont de la qualité. Que ce soit à l’époque de Amrani, ou avec Madoui. Honnêtement, si j’avais le choix pour voir un match par semaine, j’opterais pour le CSC.

Comment jugez-vous les performances et le niveau du Mouloudia en Ligue des champions ?

Le Mouloudia a dominé face à Orlando Pirates, dans la possession et ses attaques, mais n’a pas concrétisé sa supériorité. Les Pirates, bien organisés en défense, ont profité d’un contre pour marquer. Le MCA méritait au moins une victoire un à zéro pour ses efforts, mais a manqué d’efficacité. Un résultat injuste, certes, mais les performances du Mouloudia étaient incomplètes. Pour viser la LdC d’ici deux ou trois ans, le club doit renforcer son effectif avec des joueurs d’envergure, capables de faire la différence. L’ambition est là, mais il faut la concrétiser par un recrutement de haut niveau.

Pourquoi, selon vous, les clubs algériens, ces dernières années, peinent-ils à rivaliser en Afrique ? 

Les clubs algériens doivent identifier leurs lacunes pour rivaliser avec les grands d’Afrique, comme l’Ahly d’Egypte et l’Espérance de Tunis. Il leur manque une base solide, une défense forte, un milieu créatif et un attaquant de classe africaine, comme Eneramo ou Diallo à l’USMA par le passé). La formation reste le problème central. Les clubs, avec la DTN, doivent analyser leurs échecs en C1 et en C2. Le niveau local, trop faible, ne prépare donc pas à l’élite africaine. La solution ? Travail, compétence et discipline pour élever le jeu.

La gestion de la VAR et de l’arbitrage a-t-elle évolué positivement chez nous, ou reste-t-elle un point noir ? 

Ce n’est pas la VAR qu’on voit dans les matchs européens. Chez nous, ce n’est pas la même chose, ce n’est pas la véritable VAR. Les gens font avec ce qu’ils ont, ils essaient. Mais tu peux compenser avec le travail, la formation au niveau des arbitres. C’est facile de tout mettre sur le dos des arbitres. On ne blâmera pas un joueur qui rate ou un gardien qui encaisse comme un arbitre qui commet une erreur qui coûte un but ou une défaite. Il faut que la raison l’emporte, ce n’est qu’un jeu. Si tout le monde tire dans le même sens, on finira par trouver la bonne voie.

En prévision de la CAN 2025 et les éliminatoires pour la CM 2026, pensez-vous que le parcours des Verts jusqu’ici est satisfaisant ? Quels ajustements sont nécessaires avant les prochaines échéances ? 

Il faut rappeler que l’équipe nationale était au plus bas, avec deux CAN décevantes et une élimination industrielle contre le Cameroun. Avec une nouvelle Fédération et un nouveau sélectionneur, le défi était immense. L’équipe nationale était pratiquement à la rue. Certains ont mal agi, mais l’urgence était de redresser un football algérien à terre. Et pour moi, les critiques rapides étaient injustes. Petkovic a rapidement prouvé qu’il était l’homme de la situation. L’EN a retrouvé son jeu et son public, se qualifiant facilement pour la CAN 2025. En éliminatoires de la CM 2026, malgré un faux pas contre la Guinée, elle domine son groupe, avec trois points d’avance et elle est bien partie pour se qualifier. La voie est libre, sauf surprise. En dix-huit mois, Petkovic a transformé l’EN : qualification réussie pour la CAN, bon parcours en éliminatoires de la CM, rajeunissement de l’effectif et concurrence saine entre joueurs. Malgré les critiques, il a instauré un jeu dominateur et un état d’esprit serein, rassurant même les supporters, même quand on joue à l’extérieur.

Vous pensez que l’Algérie, après l’échec de la CAN 2023, peut viser le titre ?

L’EN a rempli ses objectifs initiaux, maintenant, place à l’ambition. Mais tout dépendra de la forme des équipes d’ici la fin 2025. Gagner la CAN ne dépend pas que de la volonté, mais aussi de la qualité de l’équipe, des moyens disponibles et du niveau des adversaires. L’Algérie est bien placée aujourd’hui, mais tout peut évoluer d’ici là. Des équipes comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal sont redoutables, et leur forme peut varier. L’ambition reste essentielle.  

En tant qu’expert, quelles sont les mesures urgentes pour relancer la machine, au niveau local ou de la sélection ?

Quand Walid Sadi a été élu pour terminer le mandat, d’une année, en septembre 2023, il a dit qu’il n’avait pas un programme ou un projet, mais une urgence. Une Fédération qui travaille dans l’urgence, elle ne peut pas aller loin. Maintenant, le Bureau fédéral est élu pour un mandat de quatre ans, et peut aller jusqu’à un autre mandat, avec huit ans…

Il y a une imbrication. Tu ne peux pas avoir une équipe nationale forte si ton football ne produit pas et n’est pas bien établie. Il y a un océan entre l’équipe nationale représentative et le football local.

On ne produit pas assez de talents…

Les dirigeants et entraîneurs changent trop souvent, empêchant tout projet à long terme. Les clubs utilisent deux ou trois coaches par saison, c’est contre-productif.   Chez nous, deux défaites de suite créent la panique. Il faut fixer des objectifs réalistes et laisser le temps aux professionnels de travailler. Des intermédiaires non officiels perturbent les clubs en imposant joueurs et entraîneurs. Il faut éliminer ces pratiques pour un environnement sain.  L’Algérie a du talent, mais il faut structurer les clubs, lutter contre la violence et la corruption, et accompagner les jeunes sur quinze, vingt ans.  Avec des infrastructures modernes et une mobilisation collective, notre football peut viser plus haut. Le talent est là, il faut juste le cultiver.

N. S.

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