10 octobre 2025

Kouici : « Halte à la violence, elle ne mènera nulle part » 

Nous avons eu l’honneur d’interviewer Mustapha Kouici, ancien international de football et actuel consultant TV, pour discuter de l’actualité du football algérien. Au cours de cet échange, Mustapha a partagé son expertise sur plusieurs thématiques, un éclairage des plus précieux. Écoutons-le. 

Entretien réalisé par Nasser Souidi

Comment jugez-vous le chemin parcouru par le football algérien ces dernières années ?

Il faut être honnête. Quand-même, je pense qu’il a un peu progressé. Beaucoup de clubs se sont un peu professionnalisés, ils ont mis un peu plus de moyens. Notamment les grands clubs qui ont à leur disposition de grandes entreprises, d’une part. D’autre part, il ne faut pas oublier aussi que maintenant, certes, ce n’est pas à cent pour cent, mais il y a quand même l’apport des joueurs africains. Pas mal de bons joueurs font que cette progression commence à se voir. Voilà d’une manière générale. Cela étant dit, il reste beaucoup de choses à mettre en place pour qu’on ait un football complet.

Quand vous parlez des joueurs de l’Afrique subsaharienne, c’est le cas aussi avec nos internationaux formés en Europe, à l’instar de Boudebouz et Delort…

Oui, bien-sûr. En tous les cas, il y a eu de bons joueurs qu’on a ramenés. Pas tous, parce que c’est vrai que certains n’ont pas donné satisfaction, mais, la majorité des joueurs ont apporté un plus. Donc, cela va permettre au football de progresser, en tous cas, mieux que ce qu’il était auparavant.  

Quelle est votre opinion sur les performances des clubs algériens en compétitions continentales, et quelles améliorations sont nécessaires pour qu’ils puissent rivaliser avec les grands clubs africains ?

On a eu des difficultés pour passer, sauf peut-être pour le CSC, qui est passé plus ou moins facilement. Mais les autres clubs, comme le Mouloudia, l’USMA et le CRB, ont connu d’énormes difficultés pour passer aux poules, et pour plusieurs raisons. Il ne faut pas oublier qu’on est en début de saison. Ces éliminatoires tombent très mal, pratiquement tous les clubs n’avaient pas repris la compétition. Vous allez me dire que c’est valable pour les autres équipes, c’est vrai. Il faut que la CAF revoit sa programmation, au moins laisser les équipes débuter leur championnat. Cependant, et je le dis en toute honnêteté, nos clubs n’ont pas encore le niveau des grands clubs africains. On ne sent pas ce niveau qui te permet de dire qu’on ira très loin, surtout en Ligue des champions. Il y a un certain écart avec des équipes comme le Ahly, le Zamalek, l’Espérance, les équipes sud-africaines, Mazembe. On sent vraiment qu’il nous manque encore quelque chose pour arriver au sommet de cette épreuve.

« Nos clubs n’ont pas encore le niveau des grands clubs comme le Ahly, Zamalek, l’Espérance, et Mazembe. On sent vraiment qu’il nous manque encore quelque chose dans l’épreuve africaine »

Que pensez-vous des performances récentes de l’équipe nationale dans le cadre des qualifications à la CAN-2025 et quels sont les points forts et les défis à relever en vue de cette compétition et des éliminatoires de la Coupe du monde ?

L’équipe n’est qu’au début de son renouveau, et ça demandera du temps, quel que soit l’entraîneur. Il faut du temps pour vraiment construire du solide. L’équipe nationale a montré durant les derniers matchs qu’elle est sur la bonne voie. Je l’ai dit sur les plateaux, et même dans d’autres journaux. C’est vrai que tout n’est pas parfait. Il reste encore beaucoup de choses à faire, à construire, à améliorer. Mais je pense que Petkovic va transformer cette équipe. Si on le laisse travailler, sereinement et tranquillement, il a la capacité de former une très bonne équipe, et pourquoi pas se qualifier au Mondial et faire une bonne Coupe d’Afrique dans la prochaine édition.

Qu’est-ce qui vous amène à croire que Petkovic parviendra à faire évoluer cette équipe ?

Il y a une amélioration dans le jeu. Petkovic a déjà l’équipe-type, on va dire à 70%. Ce qui me laisse optimiste, aussi, j’ai constaté qu’à chaque match, l’équipe nationale, en deuxième mi-temps, apparaît avec un autre visage, elle a montré un jeu totalement différent. Et ça, c’est la patte de l’entraîneur. Je pense que ce sont les prémices d’une équipe qui peut faire mal dans le futur.

« L’équipe nationale a montré durant ses derniers matchs qu’elle est sur la bonne voie. Tout n’est pas parfait, mais je pense que Petkovic va transformer cette équipe »

On a assisté à un match grandiose JSK-MCA dans un stade flambant neuf, dans une ambiance incroyable. Ne croyez-vous pas que ces infrastructures modernes imposent désormais aux responsables du football une organisation et une gestion à la hauteur ?

D’abord, permettez-moi de dire, en toute honnêteté, que ce fût le plus beau match que j’ai vu ces derniers temps. Le contenu était formidable. Les deux équipes ont joué sur une pelouse magnifique, et la victoire du MCA est logique et méritée. Et on a vu le rôle qu’a jouée la VAR, c’est une très bonne chose pour notre football. J’espère vraiment que ça va se généraliser dans tous nos stades. Mais quand vous parlez d’organisation, c’est un problème récurrent en Algérie. Les derniers stades qui ont été construits, il faut admettre que ce sont des bijoux, mais je pense qu’on ne doit pas les laisser au niveau des OPOW et de la DJS. Ils doivent être gérés par des sociétés privées.

« JSK-MCA, le plus beau match que j’ai vu ces derniers temps. Une pelouse formidable, le fair-play… »

Le prochain championnat promet d’être très disputé. Pensez-vous que nous verrons de grandes surprises ?

Je ne pense pas qu’il y aura vraiment de grandes surprises, les clubs qui nous ont habitué à les voir aux premières loges sont bien là. Je parle du CRB, du Mouloudia, de l’USMA, la JSK, le CSC aussi, des clubs qui ont une tradition. En plus, ils sont financés par de grosses sociétés, donc je suis certain qu’ils vont jouer le haut du tableau. Pour ce qui est des relégations, c’est vrai, chaque année dans chaque championnat qu’on a vu, il y a toujours une équipe ou deux, qui peuvent quand-même changer l’ordre établi. Comme Akbou, Biskra et Khenchela, des équipes qui ont les capacités de faire mal, créer des problèmes aux grandes écuries et jouer les trouble-fête.

« On ne doit pas laisser les nouveaux stades au niveau des OPOW et de la DJS, ils doivent être gérés par des sociétés privées »

La formation des jeunes est toujours pointée du doigt. Quelle est votre analyse sur la situation actuelle de la formation en Algérie, et que faudrait-il changer pour produire des joueurs de haut niveau ?

Je prends toujours l’exemple du Paradou. Qu’on le veuille ou non, le seul club en Algérie qui fait du bon travail, c’est le PAC. Il faudrait que tous les clubs s’alignent sur cette voie et s’inspirent du Paradou. Ce n’est pas une honte de copier, au contraire, c’est un honneur pour ces clubs de faire de-même. Mais ça nécessitera des centres de formations, on attend toujours encore. La majorité des clubs n’ont pas encore leur centre de formation. Je prends l’exemple du CRB. Allez-y voir leurs jeunes, ils sont d’un stade à un autre. Donc on ne peut pas vraiment faire un travail professionnel. Le football algérien a besoin de joueurs bien formés. Regardez ce qui se passe en équipe nationale, si on n’avait pas puisé dans les formations d’autres pays, on n’en serait pas là.

« Akbou, Biskra et Khenchela ont les capacités de jouer les trouble-fête »

Enfin, quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes talents algériens et aux dirigeants du football en Algérie et comment voyez-vous l’avenir du football algérien dans les prochaines années ?

Je dis halte à la violence. Soyez des sportifs, soyez fair-play, admettez les défaites, comme les victoires, comme les nuls. La dernière fois, lors du match JSK-MCA, j’étais très heureux du comportement des supporters de la JSK quand ils ont applaudi l’adversaire. On a fait le ménage dans les tribunes après le match…

La violence ne mènera nulle part. Le football, ce n’est qu’un jeu. On peut gagner, on peut perdre. Regardons vers l’avenir et inch’Allah avec le temps ça changera. Quant aux responsables, je leur dis d’assumer leur responsabilité et ne pas donner de faux rêves aux supporters. Privilégier l’intérêt national, avant même l’intérêt de leurs clubs. C’est ça qui peut nous mener à développer notre football, et faire que nos clubs puissent arriver au plus haut sommet, surtout africain.

N. S. 

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